Murdoch : première condamnation

Dans l'affaire des écoutes illégales du News of The World, la justice britannique vient de frapper, en toute indépendance : Jonathan May-Bowles, "l'entarteur" de Rupert Murdoch lors de son audition devant la commission parlementaire, vient d'être sévèrement condamné à 6 semaines de prison et à une amende de 250 livres (285 €). On ne brave pas impunément la loi en Grande-Bretagne.
(Source : AFP).

L'impunité à perpétuité ?

Suite à la crise des subprimes, dont les effets sont loin d'être terminés, quelles ont été les sanctions prises contre tous ces banquiers voraces qui ont fortement contribué à nous plonger dans les difficultés ? Pratiquement aucune. Après avoir été renflouées à grand renfort d'argent public, ces banques ont repris leurs pratiques comme si de rien n'était : nouvelles spéculations, nouvelles rémunérations sans rapport avec les résultats, nouvelles distributions de bonus extravagants : la City de Londres a distribué 15,8 milliards d'euros de bonus entre avril 2010 et mars 2011 ! Les dirigeants d'avant 2007 sont presque tous encore aux commandes, pour perpétuer la formule gagnante : à vous les pertes, à nous les profits. Les tentatives de régulation ont été pour le moment lilliputiennes. Cette emprise de fer de la finance sur l'ensemble de l'économie est effrayante ; et l'impuissance totale des politiques contre ces excès est désespérante.
J'ai bien peur qu'il n'en soit de même avec l'empire Murdoch, trop puissant pour être réellement atteint. Rupert Murdoch ne renonce jamais, et le sacrifice de News of the World n'est pas cher payé (de son propre aveu : 1% du C.A. de News Corp). Parler de "chute" ou de "sérieux revers" est à mon avis grandement exagéré, ou trop optimiste. Il devrait traverser la tempête sans trop de casse et se refaire un semblant de vertu par quelques mesures à effet d'image, et jouer de nouveau un rôle important pour la prochaine élection générale en Grande-Bretagne, avec une force de frappe toujours redoutable (Le Sun, Le Times, Le Sunday Times et BSkyB, dont il possède toujours 39%). Ces gens-là sont trop puissants pour que l'on puisse se passer d'eux, si l'on veut être élu ou réélu.

Murdoch & Murdoch

La presse Murdoch (le Sun, le défunt News of the World) s'est fait une spécialité de dévoiler à la une les turpitudes des uns et des autres, dans l'outrance et la vulgarité. Il est intéressant aujourd'hui de voir le principe s'inverser, avec la révélation des agissements illégaux de cette presse, et ses dirigeants exposés à la lumière crue des médias. Mais pour qui a vu en direct aujourd'hui la comparution de Murdoch père et fils devant la commission parlementaire (www.bbc.co.uk/news), ils n'ont sans doute pas trop de soucis à se faire. Seuls deux membres de la commission (sur 10) ont posé des questions réellement pertinentes et précises (Tom Watson et Louise Mensch). Les autres ne savaient manifestement pas de quoi ils parlaient, n'avaient aucune idée de la façon dont peut fonctionner une grande entreprise, et se sont perdus dans leurs propres questions, interminables et confuses. Certains ont même été très complaisants envers Murdoch père. Ce qui a permis aux deux Murdoch de noyer le poisson. Le tout ponctué d'un coup de théâtre : "l'entartage" du père par un individu "armé" de mousse à raser, et la rapide et vigoureuse défense de M. Rupert par sa jeune épouse, Wendi Deng. On peut parier que c'est cette image qui va faire la "une" de la presse demain matin. Une journée pour rien.

Je vous écoute

Suite à "l'affaire Murdoch", qui a avantageusement remplacé dans les gazettes "l'affaire DSK", il serait intéressant d'enquêter sur les pratiques de la presse à sensations en France. Par quelles méthodes obtient-elle ses "scoops" ? Espérons qu'en ce moment-même des journalistes s'y attellent. Nous attendons les révélations.

Bonnes nouvelles

Si si, il y en a. À la demande générale (les trois grands partis politiques britanniques), Rupert Murdoch a renoncé à présenter une offre de rachat du réseau BSkyB (pour le moment). Il envisagerait même de vendre tous ses journaux en Angleterre (soyons prudents). Et il risque de faire face à une enquête aux USA sur d'éventuelles écoutes illégales menées par des sociétés de son groupe (Fox, le New York Post…).

Malgré une absence de gouvernement depuis plus d'un an, la Belgique a toujours l'eau courante (chaude et froide), la bière, l'électricité et le téléphone.

Pour 2011, le taux de croissance économique devrait être de 9,6% (en Chine, pas en France).

Les avions d'Air Algérie ont recommencé à décoller ce matin, après une grève de plusieurs jours. Les naufragés d'Orly vont pouvoir rentrer au pays pour les vacances.

Et sur tout le territoire français, la grande majorité des trains est arrivée à l'heure. On n'en parle pas assez.

La Stasi chez la Reine

L'ampleur des agissements illégaux de la police secrète de M. Murdoch laisse pantois. Les victimes des attentats de juillet 2005, des soldats de retour d'Afghanistan, une jeune fille assassinée, Gordon Brown (à propos de son fils malade), Hugh Grant, George Michael, les princes Harry et William (entre autres) ont été espionnés, écoutés, épiés. En tout, 4000 victimes supposées ; même les enquêteurs sur ces faits et le chef-adjoint de Scotland Yard, John Yates, ont été écoutés ! Le fait que cela se soit produit dans l'une des plus grandes démocraties du monde, où les libertés publiques sont plutôt bien respectées, n'en est que plus terrifiant. Il ne s'agit pas ici de visées politiques mais de profit, uniquement de profit, et les dividendes justifient les moyens, même les plus ignobles. Ce n'est plus Big Brother* qu'il faut redouter, c'est Big Gangster.
*L'auteur de ce fameux roman, "1984", était anglais (George Orwell).