dimanche 11 août 2013

La démocratie totalitaire

Imaginez quelqu’un qui ouvrirait toutes vos lettres pour en lire le contenu, qui écouterait toutes vos conversations téléphoniques, qui vous suivrait dans la rue lors de vos déplacements, qui noterait l’identité de toutes vos relations : Intolérable ? insupportable ? C’est exactement le fonctionnement du système d’écoute à grande échelle mis en place par la NSA, pour espionner « tout le monde, tout le temps », aux USA et ailleurs sur la planète.
Cette Stasi numérique est censée servir de « bouclier » contre le terrorisme, et le marché est simple : si vous voulez être protégé, vous renoncez à certaines de vos libertés fondamentales et acceptez ce « flicage » en continu. Marché de dupes, évidemment. Ce système n’a pas vu les agissements des frères Tsarnaïev avant l’attentat de Boston, et la CIA et le FBI n’ont pas réagi après avoir été alertés par le FSB russe à propos de ces mêmes frères. Il n’est donc pas infaillible, et c’est bien là le problème : vous abandonnez votre vie privée contre une sécurité aléatoire. Petit à petit, un état de surveillance généralisé se met en place, de plus en plus omniprésent, de plus en plus envahissant, et les récentes déclarations de Barack Obama appelant à un contrôle plus étroit de ces programmes sont une aimable plaisanterie : c’est comme si on proposait une manucure à Frankenstein, pour le rendre plus présentable.
Les USA sont en train d’inventer la démocratie totalitaire : en apparence vous circulez librement, vous communiquez avec qui vous voulez, vous dites ce que vous voulez. Mais vous êtes de plus en plus filmés, suivis à la trace, repérés, fichés, analysés.
N’espérez pas une restriction des possibilités de ce programme : il est fait pour grandir, pour s’étendre, pour envahir au maximum tous les espaces de notre vie numérique, qui devient notre vie tout court.
Selon un journaliste du Guardian, d’autres révélations sont à venir, tirées des dossiers d'Edward Snowden, qui montreront l’ampleur de ce programme d’espionnage généralisé. On peut supposer que les grands pays développés possèdent eux aussi ce genre de programme, la différence étant seulement dans les moyens. La récente décision du FSB russe d’utiliser à nouveau le bon vieux papier pour les dossiers ultra-confidentiels peut faire sourire ; elle devrait plutôt nous faire réfléchir. La paranoïa semble être une attitude et un comportement de plus en plus raisonnables. Je vous laisse, je vais acheter des pigeons voyageurs.