vendredi 7 octobre 2011

Éloge du Stevisme

S’il y avait sur la planète aujourd’hui 200 Steve Jobs, le capitalisme n’aurait aucun problème. Deux cents entrepreneurs visionnaires, intransigeants, charismatiques, capables d’offrir au public des produits qui sont des gratifications (simples d’usage, beaux, utiles), qui deviennent instantanément irrésistibles et qui redéfinissent à chaque fois les marchés qu’ils investissent (l’informatique personnelle, la musique, la téléphonie...) Deux cents chefs d’entreprises exceptionnels répartis dans les principaux secteurs de l’économie. Imaginez les magnétoscopes avec un Steve Jobs : tout le monde aurait su s’en servir, et ils auraient ressemblé à autre chose qu’aux boîtes banales logées sous les téléviseurs (bonne nouvelle : ils sont en voie de disparition). Imaginez l’électroménager avec un Steve Jobs : les machines à laver, les lave-vaisselle, les aspirateurs seraient des objets de désir. Tout se vendrait à des millions d’exemplaires, et les gens feraient la queue toute une nuit devant chez Darty ou Boulanger !
Mais l’émotion mondiale suscitée par son décès montre justement que c’était quelqu’un d’exceptionnel, et donc rare. Le fabuleux succès d’Apple est là pour le démontrer, avec une création d’image et de richesse sans équivalent (2e capitalisation mondiale derrière Exxon).
Que peut-on accomplir dans une vie ? Si l’on est banquier, on « fourgue » des crédits à des gens insolvables, on provoque une crise mondiale et on jette à la rue des millions de gens par expulsion de leur maison ou par chômage, tout en encaissant des bonus obscènes. On est renfloué par de l’argent public, et deux ans après on recommence. Si l’on est un grand patron, on mène son entreprise au bord du désastre par excès de mégalomanie (ou même escroquerie) et on la quitte avec une confortable retraite chapeau. Si l’on est un politique, on intrigue pour être élu, on intrigue pour être réélu, et entretemps on se révèle incapable de faire ce que l’on a promis à ces benêts que sont les électeurs. Si l'on est Steve Jobs, on bâtit une entreprise qui propose à des millions de gens des objets intelligents, remarquablement conçus, les plus beaux de leurs marchés respectifs, avec lesquels on a plaisir à vivre et à travailler.
Quelle vie préfèreriez-vous mener ? Quels sont les principes qui vous guident ? Il n’y a pas de meilleure illustration à propos de ce choix que le discours prononcé par Steve Jobs en 2005 devant les nouveaux diplômés de l’université de Stanford, en Californie. Un discours sincère, émouvant, très intime. La fameuse formule finale (Stay hungry, stay foolish) a comme d’habitude été traduite n’importe comment par la presse française (Soyez insatiables, soyez fous). Il faudrait plutôt dire : Restez affamé, restez insensé. À rapprocher de l'expression habituelle de Steve pour apprécier un bon produit : it’s insanely great ! (c’est démentiellement génial). Ci-dessous, le lien pour voir (et écouter) le discours, en V.O. et V.O. sous-titrée.

http://news.stanford.edu/news/2005/june15/videos/53.html

http://www.dailymotion.com/video/x5m47b_vostfr-steve-jobs-stanford-commenc_news

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